En 1942, dans la France occupée, André Chastel (1912-1990), tout juste libéré d’un camp de prisonniers allemand, se vit confier par la famille d’Édouard Vuillard (1868-1940) le soin d’inventorier  le contenu de l’atelier du peintre, décédé au début de la guerre, le 21 juin 1940. Vuillard n’avait pas d’enfants. Ker-Xavier Roussel (1867-1944), son ami, beau-frère et compagnon nabi, et le gendre de ce dernier, Jacques Salomon (1885-1985), eurent à cœur d’assurer sa postérité. Le choix d’André Chastel s’avéra inspiré. Le jeune professeur allait en effet devenir l'un des plus grands historiens de l'art de la seconde moitié du XXe siècle.

En 1946, Chastel publia chez Floury une courte monographie consacrée à Vuillard, qui forme avec Vuillard de Jacques Salomon (Albin Michel, 1945) et Vuillard et son temps de Claude Roger-Marx (Arts et métiers graphiques, 1945) une sorte de trilogie fondatrice dans l’étude de l’œuvre du peintre.

Pour écrire ce texte achevé en 1943, Chastel put puiser dans des entretiens réalisés avec l’entourage de l’artiste, entre 1942 et 1943 : Marie Roussel, la sœur de Vuillard, K.X.Roussel, et Maurice Denis, recueillant ainsi les témoignages des deux grandes figures nabies juste avant leur disparition. En 1945, Chastel fut nommé assistant à l’Institut d’art et d’archéologie de la Sorbonne. Il dut alors renoncer à son travail sur le catalogue raisonné Vuillard, qui fut repris par Jacques Salomon. Chastel put alors publier indépendamment son étude sur l’œuvre de Vuillard, son premier livre, ancré dans cette expérience formatrice à l’orée de sa carrière.